Articles et ouvrages

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Articles parus dans la revue PSYCHANALYSE YETU

Brassié, R. (2022). Une psychanalyse sans argent ? Psychanalyse YETU, 49(1), 31-37.

Brassié, R. (2023). « Contemporanéité du nazisme » Psychanalyse YETU, 51(1), 149-157.

Brassié, R. (2025). HLM : s’arracher. Psychanalyse YETU, 55(1), 143-147.

Contributions à des ouvrages

Brassié, R., Morin, I., Sidoit, V. et Sauret, M.-J. (dir.) (2021). La Cité dans la psychanalyse : Débattre avec Pierre Bruno. érès.

La Chose révolutionnaire : la psychanalyse ?

La Chose révolutionnaire : la psychanalyse ?

La Chose révolutionnaire : la psychanalyse ?

texte présenté en 2018 lors des rencontres  du collectif psychanalyse et politique à Toulouse, publié sur le site du pari de Lacan.

La révolution en politique consiste à renverser un pouvoir, pour en mettre un nouveau en place. En cela, elle est conforme à la définition astronomique d’un mouvement qui repasse par un point, d’un trajet en boucle (autour d’un axe). Qu’est-ce que la psychanalyse a à voir avec la révolution ? Nous avons choisi de parler à partir de ce signifiant à l’occasion de l’anniversaire de la révolution russe, donc de sa dimension politique. Cependant, il m’a semblé qu’à partir de ce mot, nous pouvions aussi parler de psychanalyse, et ma première association a été une phrase de Freud qui me semble témoigner de la révolution impliquée (voire implicite) par la psychanalyse. « Wo Es war soll Ich werden » : dans un texte de 1955 Lacan montre notamment par cette formule comment l’invention freudienne a été déviée de son exigence première. C’est donc à « La Chose freudienne »1 que je fais écho aujourd’hui.

Le programme lacanien : le retour à Freud

Lacan parle de révolution copernicienne à propos de l’invention de Freud. Il faut y entendre que la boucle en question n’est pas un retour au même mais un progrès – comme il est attendu d’une révolution en politique – qui porte sur la dimension de la vérité que l’invention freudienne de l’inconscient a subvertie. Si ce bouleversement est comparé à celui produit par Copernic au XVIème siècle, c’est d’abord parce qu’il impose un décentrement de l’humain quant à lui-même, et provoque aussi quelques résistances. Il faut noter c’est que c’est aussi du côté des psychanalystes eux‑mêmes que cette résistance se fait sentir par un glissement doctrinal et pratique, que Lacan entend réviser.

Dans ce texte, Lacan argumente son retour à Freud. Il s’agit de redonner son tranchant à la psychanalyse par un retour au texte freudien pour lui redonner une interprétation plus ambitieuse, exploiter ce qui a été laissé de côté et qui pourrait contribuer à la réinvention de la doctrine. Il s’agit aussi de revenir à la pratique originelle, soit de rebrousser le chemin que la psychanalyse a pris après Freud en glissant vers les pratiques adaptatives sous la forme par exemple de l’ego-psychologie.

Tel est le programme de la révolution lacanienne, apparemment plus modeste que la freudienne. Elle s’avérait nécessaire en 1955, mais nous aurions tort de penser qu’elle s’est accomplie et que nous en sommes quittes. Nous avons à poursuivre pour la psychanalyse que nous avons l’ambition de défendre : une psychanalyse qui ne se range pas aux ordres du discours courant (adaptation, objectivation, management des âmes, etc.) et qui soutienne le symptôme, la singularité contre l’uniformisation.

La critique de Lacan vise donc le glissement qui s’est opéré depuis Freud : la psychanalyse est devenue une alliée du succès, du bonheur et de l’individualisme caractéristiques du monde libéral que nous habitons. Pour lui, « l’analyse ne débouche pas dans une éthique individualiste ». Pour Freud, « toute psychologie individuelle est aussi et d’emblée une psychologie sociale »2. Si après Freud cette inscription du sujet dans le social s’est perdue, sommes-nous assurés que la psychanalyse aujourd’hui ne soit pas retombée dans le même travers ? Dans une indifférence en matière de politique ?

Lacan a tenté de sortir la psychanalyse de cette déviance, c’est le sens de la révolution qu’il opère. Cette révolution n’assure aucun acquis. Il suffit de jeter un œil du côté des multinationales de la psychanalyse, de leur organisation et de leur « politique commerciale » (extension de la psychanalyse), jusqu’à une collaboration avérée au rayonnement du néolibéralisme en soutenant à grand renfort de slogans, Jupiter et sa révolution en marche3. Sommes-nous condamnés à une révolution permanente ? À tourner en rond pour nous assurer que ça tourne rond ?

La révolution freudienne : l’inconscient

La révolution freudienne, c’est la découverte de « l’inconscient refoulé » (qui fait retour) qui a pour conséquence que le moi n’est plus maître en sa maison, que « le sujet inconscient est excentrique au moi » comme l’écrit Lacan4. Le champ de la psychanalyse c’est le symbolique, le « district du langage » aussi bien que du symptôme, et c’est là qu’on repère l’égarement qui s’est produit après Freud dans un symbolisme naturel conduisant à l’idée que tout est langage. Il y a là un abus quant à la doctrine puisque la psychanalyse « toujours refait la découverte du pouvoir de la vérité en nous jusqu’en notre chair. » (Lacan, 1955). C’est donc « qu’il y a du véritable » comme dit Lacan, pour ne pas dire du réel.

La vérité mise en évidence par la psychanalyse, c’est ce qui parle, voire que ça parle. Et ce qui fait que ça parle est à situer dans le registre du réel – « ce qui revient toujours à la même place (Séminaire L.VII, 23 décembre 1959), à cette place où le sujet en tant qu’il cogite ne le rencontre pas » (Séminaire L.IX, 30 mai 1962) – en tant que pas tout saisissable par le langage, pas tout analysable. Disons les choses autrement : un sujet ne peut se saisir exhaustivement, se connaître entièrement. Il se méprend, se méconnaît, se pense unifié dans son moi et pourtant ça lui échappe, ça parle malgré lui, ça souffre et se plaint. Es et Ich ne font pas un si bon ménage. « Wo Es war soll Ich werden » écrivait Freud en 19325. La formule nous est parvenue dans une traduction réfutable : « le moi doit déloger le ça », qui indique assez bien l’ornière dans laquelle on a très vite mis la psychanalyse, à savoir une psychologie du moi. Lacan nous a proposé d’en sortir en reprenant la logique de la formule freudienne qu’il traduit plus rigoureusement par : « là ou s’était c’est mon devoir que je vienne à être ». Peut-on dire plus clairement à quelle révolution nous sommes condamnés ? Reprendre place au lieu de l’être, en cessant de démentir le réel, et consentir ainsi à la vérité qui parle en nous. Cette révolution, c’est le trajet d’une cure, rigoureusement détaillé par Pierre Bruno dans son livre Une psychanalyse : du rébus au rebut, dont je vous recommande la lecture. On pourrait aussi désigner ce trajet en disant qu’une psychanalyse va du symptôme (dont on se plaint) au sinthome (dont on se soutient). L’une comme l’autre de ces formulations indiquent un mouvement qui se boucle en un point qui se voit modifié par le mouvement de retour.

C’est ce à quoi la formule freudienne nous invite, inscrivant le procédé révolutionnaire dans son sens copernicien au cœur de l’expérience analytique. La révolution en question est d’abord subjective, il s’agit à minima de réviser sa position. Mais, en suivant Freud, elle ne vise pas l’individualisme puisqu’elle fait cas de l’inscription du sujet dans le rapport à l’autre. Mieux, elle s’appuie sur la prise du sujet dans le signifiant, de son aliénation à l’Autre, de ses déterminations signifiantes qu’elle déchiffre.

Que nous soyons aliénés au signifiant, c’est un fait que l’analyse dévoile. Sauf que le signifiant ne dit rien : il représente un sujet pour un autre signifiant, mais pris isolément, il ne veut rien dire6. Au mieux, les mots mentent et surtout quand on veut leur faire dire notre vérité. C’est le cas de la psychologie et avec elle des psychothérapies, dont la visée est toujours une certaine mise en conformité avec ce qu’on tient pour une vérité objectivable dans le savoir de ce qu’est et doit être un être humain : pratiques d’aliénation pourrait-on dire. La psychanalyse « pour se montrer parente de toute une gamme d’aliénations, […] les éclaire » dit Lacan. Le déchiffrage de l’inconscient permet de mettre au jour les coordonnées du fantasme donc du rapport à l’autre et à l’objet, et de saisir via la ronde des signifiants maîtres l’aliénation à l’Autre. Sans ce déchiffrage, pas de traversée possible, la condition première étant de consentir à la règle fondamentale.

On doit donc se soumettre à la règle analytique, mais cette soumission à laquelle consent l’analysant ne doit pas être pour l’analyste sa principale visée : il a à organiser les conditions pour une sortie possible, soit consentir à son renversement. Si le procès de la cure est un mouvement révolutionnaire au sens copernicien, l’analyste y contribue si et seulement si il consent, lui, à y occuper la place du rebut (Pierre Bruno). Si nous ramenions ce principe dans le domaine ordinaire des relations de pouvoir, l’analyste serait un maître assez particulier qui ne peut réaliser son projet qu’à la condition de mettre en œuvre la perte de son pouvoir. J’espère que vous saisissez comment quelque chose de l’ordre de la politique est à l’œuvre au cœur de l’expérience de la cure. Y a-t-il là des conséquences à tirer pour ce qui concerne la politique ? Je crains qu’il ne suffise pas de s’en inspirer, une telle position n’est sûrement pas tenable sans une cure parvenue à son terme.

La psychanalyse et la politique

Alors, quelle portée la psychanalyse peut-elle bien avoir dans le monde ? Si une psychanalyse est d’abord une affaire privée, elle concerne le monde dans lequel nous vivons (en tant que réponse au malaise, pour ne pas dire réaction au libéralisme) aussi bien qu’elle est concernée par lui (elle se doit de ne pas ignorer « la spire de son époque », et le psychanalyste est censé pouvoir « rejoindre la subjectivité de son époque »7).

Certes, elle ne vise pas à révolutionner le monde, mais elle propose à ceux qui sont candidats à la cure une révolution qui ne les changera pas, mais qui leur permettra de faire de leur symptôme une solution vivable pour eux‑mêmes et pour le lien social : tout sera donc changé pour eux. L’opération a un effet sur la jouissance qui dans sa forme première de « chemin vers la mort » (Séminaire L.XVII) prendra une valeur nouvelle qui permettra d’aimer la vie (le symptôme devient aimable une fois qu’on cesse d’en jouir pour s’en servir). Le produit d’une cure ne concerne que les quelques uns qui s’y engagent, ce qui laisse de la marge pour une incidence politique de la psychanalyse. Faudrait-il pour autant qu’elle soit généralisée ? « Plus on est de saints, plus on rit, c’est mon principe, voire la sortie du discours capitaliste, – ce qui ne constituera pas un progrès, si c’est seulement pour certains. »8 disait Lacan en 1973 dans son intervention télévisée où il insistait sur le fait qu’il ne réprouve pas la politique9. Ni lui ni Freud10, ne se sont jamais montrés indifférents à la politique. Ceci dit, ni l’un ni l’autre ne sont connus pour être des révolutionnaires. Si la psychanalyse intéresse la politique, ce n’est pas simplement du fait qu’elle se propose comme une révolution privée, mais parce qu’elle ne peut se concevoir hors du monde dans lequel elle s’exerce. Voire même, comme le suggérait Marie‑Jean Sauret à notre séance d’avant les vacances, qu’elle soit une (ou la) condition de la démocratie. Ce qui peut faire écho à cette formulation du Manifeste : « …le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous »11. On y entendra que l’universel ne saurait être satisfait si le singulier n’y trouve pas lui aussi son compte : en somme, un bel encouragement du symptôme !

La psychanalyse n’a pas vocation à diriger une révolution du peuple. Sa vocation première pour le dire d’une manière qui peut surprendre ceux qui ne sont pas familiers de la question, c’est de produire des analystes. Pas simplement d’écouter ce qui souffre, en quoi elle ne serait pas différente de la psychothérapie, mais de permettre à son terme l’émergence de l’analyste et de son désir, du Saint comme dit Lacan, en tant que « rebut de la jouissance »12, soit la condition pour pouvoir supporter de se faire pour le sujet de l’inconscient, la cause de son désir, et donc de pouvoir mener des cures. L’enjeu n’est pas la pérennité de la pratique de la psychanalyse, mais le maintient du discours analytique en tant que c’est le seul dont nous disposons pour que l’inconscient soit écouté de manière éclairée, dans la cure et hors cure. L’inconscient qualifié de « travailleur idéal » par Lacan, n’ex-siste qu’au discours de l’hystérique. Ce travailleur idéal dont Marx a fait « la fleur de l’économie capitaliste dans l’espoir de lui voir prendre le relais du discours du maître », c’est la politique : « l’inconscient c’est la politique13 », formule que nous relevions avant les vacances et dont Jean-Louis Sous a fait un commentaire attentif dans son livre14 qui lui est aussi est à lire.

Si la psychanalyse a quelque chose à faire avec la politique, c’est parce qu’elle propose un autre traitement de l’inconscient. Un autre traitement que celui entrevu par Marx selon Lacan, mais aussi un autre traitement que tous les autres discours. Il ne s’agit plus que de le déchiffrer pour mettre à jour l’économie subjective – au sujet de laquelle Jean-Louis Sous montre comment Lacan via Marx en a renouvelé l’abord. L’économie subjective doit s’entendre comme le jeu des investissements du sujet, comme la façon dont il est investi par les agencements institutionnels (l’Autre) et leurs rapports. La formule de Lacan, « l’inconscient c’est la politique », renvoie pour Jean-Louis Sous « le sujet […] aux régimes pulsionnels de son (a)ssujetissement et à ses modalités de complaisance ou de résistance (intimidation, humiliation, discrédit, résignation chantage, placardisation…). Là serait le droit de cité du sujet. » (p.26). Disons le autrement : une cure, au‑delà de sa dimension thérapeutique (puisque ceux qui y viennent sont quand même en souffrance), remet au sujet la responsabilité de son inconscient, soit de sa politique. Là où la psychothérapie vise l’éradication du symptôme, la psychanalyse conduit plutôt le sujet à en faire quelque chose (d’autre qu’une plainte) qui tire les conséquences de l’économie subjective mise à jour. L’opération psychanalytique produit un effet au niveau de la valeur si on suit la logique déployée par Jean-Louis Sous, « qui s’avère représenter un autre registre de la dimension du sens »15. Cet effet est de l’ordre d’une extraction, d’une chute, qui permet de mettre un bord (ou un terme) à la quête jusqu’alors infinie du (jouis-)sens et donc un délestage (de jouissance, au niveau)16 de la valeur.

Nous pourrions relever encore longtemps les occurrences dans les écrits psychanalytiques des implications politiques de notre discipline. Il y aurait un réel intérêt à faire ce travail, mais pour l’heure, une question s’impose : comment transmettre ce qui pour nous est sensible du fait de notre fréquentation du divan ? Cette transmission est‑elle vraiment possible ? Lacan a inventé la passe pour tenter de cerner ce qu’une analyse produit comme désir de l’analyste : on peut l’envisager comme une tentative de « transmettre hors divan ». Il y a probablement un travail de cet ordre à produire, de l’ordre du témoignage. Témoigner de notre rapport à la psychanalyse comme théorie mais aussi dans sa pratique, dans sa prise dans le monde. Faire un effort de transmission et de rigueur en faisant le pari que ceux qui veulent bien nous entendre ou parler avec nous sauront se saisir de ce qui peut leur permettre d’avancer dans leur champ de savoir. L’enjeu, au-delà du constat et parfois de la plainte, est d’engager un travail qui contamine en dehors du cadre de la cure et qui vise une sortie possible du capitalisme (sortir du capitalisme, ou bien le sortir de soi comme l’avance Pierre Bruno). Ne pourrait-on pas dire qu’il s’agit de faire école ? Pas dans le sens d’établir un savoir magistral, mais de nous risquer à une parole dont l’élaboration puisse avoir pour d’autres des conséquences, qui permette de s’orienter pour prendre position dans le monde. Cela passe par un retour aux concepts fondamentaux, pour les rendre transmissibles autant que pour les requestionner. Car si la dimension politique de la psychanalyse lui est intrinsèque, c’est sûrement dans son élaboration la plus exigeante qu’il faut s’engager pour en faire la démonstration. Et au-delà des constats et des idées, peut-être pourrons‑nous tirer des conséquences qui renouvellent aussi bien la psychanalyse que le lien social ?

Albi le 17 octobre 2017

Post-scriptum :

Nous envisageons de donner à notre collectif la forme d’un séminaire pour répondre à ce désir de transmission et d’échanges pluridisciplinaires, un séminaire au sens (étymologique) de pépinière où il s’agirait que chacun sème ses graines avec l’intention que ça pousse (être poussé par ses graines, et que ça pousse aussi les autres). J’y rajouterai l’invitation à suivre les travaux qui se tiennent l’après‑midi sur la proposition d’Élisabeth Rigal et Fabienne Guillen, sur la question du symptôme.

1in écrits, Paris, seuil, 1966.

2« Psychologie des foules et analyse du moi », 1921.

3Lire les Lacan quotidien de la période de la dernière campagne électorale.

4dans ses « Notes en allemand préparatoires à la conférence sur la Chose freudienne » (Pas-tout Lacan, site de l’ELP)

5Dans les Nouvelles conférences sur la psychanalyse

6Banane, exemple emprunté à Marie‑Jean Sauret, renverra selon le contexte au rocker, au fruit, au sourire, ou bien sera une qualification un peu moqueuse.

7« Fonction et champ de la parole et du langage », Écrits, Paris, Seuil, 1966. p.321

8Jacques Lacan, Télévision (1973) in Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p.520.

9Idem, p.517.

10cf. « Pourquoi la guerre », ou encore le Malaise dans la civilisation.

11Karl MARX – Friedrich ENGELS, Manifeste du parti communiste, Paris, Éditions Sociales, classiques du marxisme, édition bilingue, 1972, p 89.

12Télévision, p.517 des Autres écrits.

13J. Lacan, La logique du fantasme, séminaire inédit, leçon du 10 mai 1967

14Jean-Louis Sous, Lacan et la politique (De la valeur), Toulouse, Érès, 2017

15Idem, p.105.

16Parenthèse rajoutée après l’exposé le mot « délestage » ne me paraissant pas exact.

Vers une troisième modernité

Vers une troisième modernité

Vers une troisième modernité

À propos de La bataille politique de l’enfant1 par Marie-Jean Sauret.

Ce livre, au-delà de l’enfant, traite de l’infantile, de l’enfant que l’adulte parle sur le divan, de la structure (« ce qui ne se développe pas »1). Il est l’occasion de repréciser la question de la structure comme celle du Discours Capitaliste, pour entrer dans le débat de cette bataille politique de l’enfant.

De la structure, retenons la double naissance de l’humain, biologique d’abord puis au langage. C’est l’opération d’interprétation par la mère du cri du nourrisson qui le fait naître pour la deuxième fois : comme sujet. Dès lors baigné dans le langage, le petit humain est voué à se poser la question de ce qu’il est. La filiation est une première réponse : être fils ou fille de, et la famille la première invention humaine pour répondre de son existence.

Mythes et religions ont d’abord fourni le fondement ontologique de la question propre au psychique. L’avènement de la science est celui de la certitude objective. Avec elle, la religion est mise à mal pour répondre de l’être, et la subjectivité se trouve rejetée de la réponse. La science ouvrira au libéralisme philosophique et politique, soit à la libération des humains de leur soumission à la croyance : le père comme figure d’autorité est mis en question. La vérité objectivée sera la première modernité, accompagnée d’un autre libéralisme : économique.

C’est la collusion de la science (qui exclut la subjectivité) avec le libéralisme économique (qui érige la valeur et le calcul comme fondement du lien social en place des religions) qui produira le Discours Capitaliste. Celui-ci n’est pas sans incidences sur la subjectivité, et c’est avec ce sujet aux prises avec ce lien social que Freud invente la psychanalyse. Il découvre comment les humains se sont inventé une religion privée, la névrose, pour pouvoir vivre dans ce monde moderne. Nous n’en sommes plus au temps de Freud et Lacan nous rappelle Marie‑Jean Sauret, au point que certains parlent désormais d’une « nouvelle économie psychique » (Lebrun et Melman) à la suite de l’invention du concept d’état limite. On constate une mutation du monde et de la subjectivité, devenus calculables par un savoir de forme paranoïaque. L’incidence s’en fait sentir sur chacun qui doit faire face à la question subjective malgré un recours à l’œdipe et la castration rendus difficiles. Y a‑t‑il vraiment de nouveaux sujets ou de nouveaux symptômes, ou bien de nouvelles modalités de l’accueil de la parole à inventer ?

Dans ce moment dit postmoderne, et que Marie‑Jean Sauret épingle du terme de « deuxième modernité »1 pour ouvrir à « une troisième »1 qui est à inventer, les sujets sont plongés dans un univers qui fait promesse d’une jouissance possible et y pousse. Les effets sont multiples et Marie‑Jean Sauret nous en rend sensibles quelques uns : l’enfance généralisée dénoncée par Lacan, la maltraitance des enfants (Marie‑Jean Sauret nous demande si nous aimons les enfants, et au-delà la vie), les modalités nouvelles que des sujets inventent pour tenir dans ce monde (branchement sur l’objet, retrait du monde, etc.). Pour que ces effets laissent au sujet une chance de ne pas y laisser sa peau, ils ont besoin d’être interprétés, ou supposés être des modalités de protestation ou de résistance subjectives pour être constitués en symptôme. La psychanalyse dans ce monde sans limite, pourrait bien être la seule chance possible pour les sujets en souffrance. À condition de ne pas se laisser prendre dans le piège du scientisme.

Marie‑Jean Sauret nous invite, face au constat d’un monde qui court à sa perte, à réinventer la psychanalyse pour qu’elle soit à la hauteur des enjeux subjectifs de notre époque, et au-delà, à penser ce que pourrait être « une troisième modernité »1 et ce qui pourrait prendre le relais du psychanalyste. Ce livre ne paraît pas se soucier d’assurer l’avenir de la psychanalyse, mais plutôt celui de la substance humaine (pour reprendre ici cette expression de Lacan chère à Michel Lapeyre). « La psychanalyse au chef de la politique », formule de Lacan (livre XVIII) que nous avons coutume d’entendre, prend ici tout son sens : ce livre n’est pas en effet un plaidoyer pour la psychanalyse qu’il ne s’agit pas de faire primer sur la politique. Et c‘est sûrement via le « génie de la structure »1, sans négliger de se mettre à l’école du psychotique (qui en connaît un rayon pour ce qui est de faire autrement qu’avec l’œdipe et la castration), que le lecteur de ce livre pourra le prolonger dans « une pensée qui ne serait pas trop coupée des actes »1, vers cette troisième modernité où la politique ferait cas de la psychanalyse ou mieux : du symptôme.

Rémi Brassié, Albi le 7 août 2017 – publié dans l’être du pari n°2 (aout 2017), bulletin du pari de Lacan

1Marie-Jean Sauret, La bataille politique de l’enfant, Toulouse, Érès, 2017.

Thierry Boyer – après-coup

Thierry Boyer – après-coup

Thierry Boyer – après-coup

28 mars 2014 : Le travail révèle la pensée. Cette phrase de Thierry Boyer a été pour moi un cadeau précieux qui résonnera encore longtemps. Son exposé en a été la démonstration. Démonstration d’une distance critique à son oeuvre qui lui permet de nous transmettre ses questions. La dialectique du fort et du fragile s’impose dès ses premières sculptures : le verre et l’acier y sont conjoints dans un rapport très intime. Le fort semble tenir du fait du faible. Le verre et l’acier sont des matières qui font écho à son environnement d’alors, chargé d’une histoire industrielle. Ces oeuvres, fortes, sont très élégantes et très impressionnantes. Thierry Boyer ous a indiqué comment des résidences et des déménagements ont produit des changements dans son travail pour arriver aux germinoscopes qu’il explore actuellement. La métaphore industrielle a fait place à une approche plus contemplative de la nature convoquée dans des petites cellules où a lieu l’observation dont résultent photographies et vidéos présentées au Frigo. Les photographies d’insectes prises en macro m’ont paru énigmatiques d’abord. Mais mises en regard avec cette sculpture qu’est le germinioscope, elles prennent une autre dimension. Donnée brute de la concentration de la vie naturelle sous l’oeil de l’appareil photo, dans cette serre que je me suis mis à comparer au loft de la télé-réalité.

Cette métaphore a déjà été donnée à Thierry Boyer, pour qualifier sa recherche de travail sur la vacuité. Il n’est bien sûr pas question de ça. Et si cette métaphore persiste dans mon idée bien que je la trouve bête, il me faut en dire un peu plus. J’ai l’intuition que ce travail interroge précisément le regard. Là où la télé-réalité le sature de ce dont il serait en appétit (tout voir), le travail de Thierry Boyer lui propose de voir d’où il regarde. La référence à l’entomomogie questionne la place du regard du scientifique (mon travail le plus high tech disait Thierry Boyer), et peut-être plus largement de la façon dont la science par souci d’objectivation, exclu que le chercheur soit inclu dans le regard. Faute de quoi il ne voit pas l’effet de sa présence sur ce qu’il regarde. Les photographies de Thierry Boyer ne proposent pas une vision objective de leurs sujets. Elles sont plutôt des portraits dans tout ce que ça a de subjectif. Plusieurs de ces portraits semblent même nous regarder : des grappes d’oeufs paraissent des yeux, les leurres sur certains papillons. Le grossissement de ces petites bêtes les rend apparemment plus fortes. Le germinoscope permet en les capturant de les mettre dans des conditions de lumière qui permet une capture photographique forte. Le germinoscope rend fort ce qui est faible et fragile, ce qui est rare comme le sphynx du chêne qui n’apparaît que quelques jours par an. Les insectes, si je ne me trompe pas, font partie des espéces les plus anciennes : fragiles certes, mais résistantes. On retrouve donc cette question qui s’affirmait avec évidence dans la sculpture, sous une forme plus complexe. Thierry Boyer nous expliquait d’ailleurs comment ce travail ouvrait pour lui de nouveaux territoires d’exploration. Se tenir à ses questions, y travailler sans relâche, c’est sûrement ce que les artistes nous montrent le mieux. Je trouve cela toujours émouvant. Emouvant parce que cette détermination sans faille qui peut se passer de l’analyse (tout en étant parente de celle-ci) est à mes yeux ce qui donne force à la vie. Pas (simplement) à celle de l’artiste, mais à quiconque veut bien consentir à ce que le travail (de l’artiste) révèle la pensée.

Je finirai sur les polypores. Dans son observation de la nature, Thierry Boyer a réalisé une série d’empreintes de ces champignons. Elles évoquent sans équivoque des tranches de cerveau issues de l’imagerie médicale. Thierry Boyer me disait après-coup qu’il était curieux de savoir ce que des psychanalystes pouvaient en dire. Je lui ai répondu que Lacan s’amusait parfois à dire qu’il pensait avec ses pieds. Ma réponse ne m’a pas satisfait, aussi je la complète. La biologie et la neurologie sont devenues des sciences reines dans le champ du psychique. L’imagerie cérébrale sert à déceler divers troubles, on les scrute comme on le ferait dans le marc de café pour y trouver révélation de certains tourments de l’âme. Je trouve finalement que la production de ces images imaginaires de cerveau, extrêmement poétiques, est une sorte de question adressée à notre époque si soumise à l’image. Au point que l’image du cerveau supplante ce que chacun peut dire de lui. Ramené à sa dimension organique et détachée de son origine humaine, ce cerveau issu d’un champignon dit à quiconque le regarde que l’objet qu’on voit dès lors qu’on interprète est avant tout celui qu’on imagine. L’organe cerveau n’est rien d’autre qu’un organe, réel mais sans parole. Ce qui parle est ailleurs, dans le travail qui révèle la pensée. L’exposé de Thierry Boyer nous a permis de saisir d’une manière limpide son invitation au travail de la pensée. Mais aussi pour reprendre le coeur de ses questions, à scruter, mettre en valeur le faible, le pousser dans ses retranchements, pour en révéler le caractère essentiel, nécessaire et probablement très solide. Il me semble qu’en ce sens, son intention est très parente de celle du psychanalyste.

Post-scriptum le 7 juin 2014 : J’ai écrit ce texte le lendemain de la rencontre au Frigo1. En le saisissant dans mon ordinateur aujourd’hui, j’entends cette phrase qui m’est restée dans l’oreille autrement encore, ou plutôt, j’éprouve le besoin de mettre en valeur un point de vue qu’elle me semble introduire. Le travail révèle la pensée : peut-être qu’il faut entendre aussi que ce n’est pas la pensée qui produit ce travail, mais qu’elle est le fruit du travail, qu’elle n’est pas saisissable sans travail certes, mais qu’elle ne se produirait pas sans lui. Le travail permettrait le pensable. J’insiste là-dessus pour au moins deux raisons. D’abord j’y vois un lien évident avec la pratique de l’improvisation qui m’intéresse au plus haut point. Mais aussi parce que cette façon de voir subvertit l’idée que nous avons trop facilement que la pensée précède et rend possible un travail. Là aussi, on peut voir une parenté avec la psychanalyse qui encourage le travail de parole pour saisir la pensée à l’oeuvre.

Rémi Brassié

séminaire Création Psychanalyse Politique

1Thierry Boyer, dans le cadre de son exposition au Frigo a bien voulu répondre à l’invitation du séminaire Création Psychanalyse Politique, pour venir nous parler de son travail et échanger avec nous.

Ce texte a été publié dans le cahier de résidences 2013 du musée du verre centre d’art de Carmaux.

Mon expérience de Salo : entre Image et Réel.

Mon expérience de Salo : entre Image et Réel.

Mon expérience de Salo : entre Image et Réel.

texte pour le séminaire Création Psychanalyse Politique

Par Rémi Brassié à Albi le 20 mars 2003

J’ai vu Salo il y a peu de temps. C’est une expérience particulière, éprouvante, dont j’ai souhaité vous parler puisqu’elle touche à ce que nous faisons là. Voici donc quelques mots de mon expérience de Salo.

Si avec la Trilogie de la vie il m’avait semblé que Pasolini démontrait que la castration est ce qui permet au désir (la chaîne signifiante) de tenir bon devant la jouissance, Salo nous amène à une autre limite, franchissant un pas qui nous fait sentir combien cette limite entre le champ de l’humain et son au-delà (c’est peut‑être le réel) est fragile. Là, plus rien ne tient. Si bien que je pensais après la séance : Voir Salo et mourir, avec la simple idée que cette formule aux accents touristiques prenait ici un tout autre sens. Bien sûr, la mort rôde dans ce film, elle est là dès le départ à l’horizon du jeu sadique initié par quatre personnages dont on aimerait tant ne pas faire la rencontre. Mais c’est déjà trop tard. La mort est là à l’horizon, mais il faut préciser qu’elle n’est pas l’objectif du jeu sadique, elle en serait plutôt l’échec. Tout ce qui est visé, c’est la jouissance — la mort en priverait prématurément le sadique.

Voir Salo et mourir, c’est une façon de dire que la pulsion de mort est convoquée, la pulsion de mort au sens que Lacan nous indique d’être une volonté de recommencement à partir de rien[7].

Tout le procès du film est fait pour nous piéger par là où, dans la situation de voir une œuvre cinématographique, nous désirons : au niveau du regard. On sait que ce sera insoutenable : parce que la règle est posée dès le départ, d’aller jusqu’au bout. Mais aussi parce que d’autres, qui ont vu avant nous, ont eu la délicatesse de nous prévenir. Mais on essaie d’y croire, croire que tout de même, il y aura quelque chose pour sauver la situation. On essaie d’y croire contre notre conviction que tout cela ne peut que mal finir, ou plutôt finir dans le mal.

Pendant près de deux heures, je me suis demandé ce qu’au fond il y avait de si horrible dans ce film, tout en sachant de par les indications que Pasolini nous y donne autant que par les avertissements d’amis, ce à quoi je pouvais m’attendre : un long et lent chemin de tortures, une progression fermement décidée à ne pas céder sur la volonté de jouissance.

Alors, ces images d’horreur absolue sont arrivées. Je ne crois pas que quiconque puisse garder les yeux ouverts devant ce spectacle. Pasolini nous force à fermer les yeux, mais pour mieux voir : d’où nous regardons.

Rien ne nous dit quand nous pouvons les ouvrir à nouveaux. Pour ma part, il m’est arrivé de les ouvrir pour aussitôt les refermer puisque Pasolini ne nous épargne en rien et nous offre des images que je dirai du réel, nous présentant une jouissance sans bornes où les corps sont mutilés au seul principe de la volonté de (d’en) jouir de celui qui regarde. Celui-là, c’est un des quatre qui, assis derrière une fenêtre, contemple de loin avec ses jumelles, le carnage. C’est à travers ces jumelles que Pasolini nous donne ces images. Si bien que je n’ai pas tardé à m’apercevoir que je regardais de la place de ce fasciste qui depuis le début ne manquait pas de m’écœurer, et à propos duquel j’avais un jugement sans appel : c’est un salaud. Voilà au fond où l’horreur devenait radicalement insoutenable en même temps qu’elle éveillait un certain désespoir : j’étais depuis le début du film, depuis même que j’avais décidé de le voir, bien longtemps avant la séance, dans la position de celui qui derrière la fenêtre, se délectait d’un spectacle horrifiant. Ce constat m’amenait à penser que face à ce problème, j’étais seul, que je devais en répondre. Il me semble que cette expérience peut précipiter pour un sujet ce qu’il va rencontrer dans sa cure, à savoir la solitude dans laquelle il se trouve au moment de répondre de son désir, de sa position face à la jouissance, puisque là-dessus, sur ce que nous sommes, l’Autre ne répond pas. (Je crois d’ailleurs que la précipitation que provoque ce film peut être, pour celui qui n’y serait pas encore, précipitation à demander une analyse.) Voilà peut‑être une explication de la formule lacanienne selon laquelle l’artiste précède. Pasolini en sait quelque chose de la nécessité de répondre pour soi de ce qu’on est, et y invite celui qui veut bien le suivre.

Si cette œuvre nous enseigne, elle nous enseigne à ne pas être trop assuré de notre propre humanité (laquelle a toujours dans son fond, quelque chose d’assez nauséabond). Cette œuvre nous pose d’une façon magistrale la question du rapport que nous entretenons avec la jouissance, la jouissance en tant qu’elle est comme le disait Lacan (reprenant Freud et Sade) un mal pour le prochain[8]. « Qu’as‑tu fait de ton mal ? », voilà cette question que Pasolini nous adresse, la question éthique pour l’analyste comme le disait Michel Lapeyre à qui j’emprunte la formule. C’est là que la pulsion de mort intervient en tant que nécessité de recommencement, nécessité de toujours refaire le pas qui nous a fait entrer dans l’humanité. Car nous ne sommes jamais assurés d’y être toujours si nous ne nous efforçons pas de réinventer notre rapport au monde, ou en d’autres termes de créer, de faire passer la jouissance au signifiant ce qui revient à un renoncement à son endroit. Il y a donc des conséquences éthiques à tirer de cette expérience qui consiste à se faire spectateur de Salo.

J’ai été particulièrement sensible au fait que Pasolini a choisi la voie du regard et de l’image pour sa démonstration. Comme s’il y avait là un médium plus propice que l’écriture pour nous faire sentir combien la question de notre rapport à la jouissance est une question cruciale tant sur le plan individuel (versant éthique) que collectif (versant politique), les deux se trouvant dans cette œuvre inextricablement liés.

Ce choix de l’image, d’interroger son spectateur sur son rapport au regard, m’a évoqué une autre rencontre avec une œuvre cinématographique. Il s’agit de Funny Games, par Michael Haneke, qui travaille sur ce problème de l’image dans son rapport à la violence, à la jouissance on pourra dire. Là aussi, l’expérience de ce film ne m’avait pas laissé tranquille. Pasolini, Haneke, voilà deux artistes qui savent mettre à l’épreuve la subjectivité de ceux qui deviennent leurs spectateurs par le simple moyen d’une projection, de la mise en présence de l’un avec des images. Peut‑être est‑ce une expérience du beau ? Je ne saurais pas répondre. Mais la question qui se précise pour moi, c’est le rapport que nous entretenons avec les images. Quelque chose du désir peut s’y transmettre. C’est une transmission qui d’ailleurs, avec Pasolini, ne rate pas. Avec Salo, il pose un acte qui ne peut pas être sans conséquences pour un sujet mais aussi pour le lien social (notez qu’il en paye le prix fort puisqu’il y laisse sa peau).

Ce film ouvre donc pour moi des perspectives de travail, où les thèses de Nicolas Bourriaud pourraient peut‑être nous donner quelques lumières. Perspective d’un travail que pour l’instant je rangerai sous le titre du rapport de l’image et du réel, avec l’idée (soufflée par Pasolini) que l’image nous met en présence du réel par une autre voie que celle de la représentation. A la seule condition qu’elle nous interroge sur la place d’où nous regardons. Ce qui implique d’avancer un peu plus sur la définition du statut de l’image. La surabondance des images vient peut‑être noyer l’image, la ravalant au titre d’illustration en lui enlevant le pouvoir d’évocation par lequel elle peut nous éveiller au monde. Ceci reste à débattre et à poursuivre.